Solaire, géothermie, isolation : à chacun ses économies
La performance énergétique des bâtiments fait désormais partie des priorités des collectivités locales. La ville de Bordeaux s’est fixé l’objectif ambitieux de réduire de 38 % les consommations d’énergie de ses bâtiments d’ici à 2014. Isolation des combles des écoles et de l’hôtel de ville a commencé, sites raccordés à la géothermie… Le conseil général de la Gironde est la première institution à s’être dotée d’un immeuble HQE. Le conseil régional se lance dans l’énergie photovoltaïque. Et demain ? Pour Francis Kéré, grand prix international d’architecture durable, il faudra trouver des procédés moins onéreux. L’architecte burkinabé, qui donnait une conférence hier soir à Bordeaux, à Arc en Rêve, plaide pour des matériaux naturels, « isolants et capables de capter directement l’énergie du soleil ». Il a mis au point un concept de maison, ventilée grâce à la chaleur emmagasinée par le toit.
Le 25.09.09 www.20minutes.fr
————————————————————————————————–
1. Maîtrise de l’énergie dans les bâtiments : enjeux et contexte réglementaire
Face au défi majeur du changement climatique, la France a pris des engagements ambitieux en signant le protocole de Kyoto entré en application depuis le mois de février 2005 : le gouvernement s’est engagé à ramener les émissions de gaz à effet de serre moyennes de la période de 2008 à 2012, au niveau de celles de 1990.
Le secteur du bâtiment est, parmi les secteurs économiques, le plus gros consommateur en énergie (1). Il représente plus de 40% des consommations énergétiques nationales, soit 660 TWh, et près de 25% des émissions de CO². Cela correspond à une tonne d’équivalent pétrole consommée, à une demi-tonne de carbone et près de 2 tonnes de CO² émises dans l’atmosphère par an et par habitant.
Actuellement la consommation moyenne annuelle d’énergie du secteur du bâtiment est de l’ordre de 260 kWh d’énergie primaire par m² par an (environ 330 kWh pour le résidentiel et environ 550 pour le tertiaire, électricité spécifique comprise).
La contrainte de réduction par 4 des émissions de CO² du secteur du bâtiment à 2050, qui est inscrite dans les objectifs de la loi n° 2005-781 de programme fixant les objectifs de la politique énergétique du 13 juillet 2005, se traduira par l’obligation d’une diminution par 6 des émissions ramenées au m², compte tenu de l’augmentation du parc de bâtiments.
En supposant que la relation entre les quantités de CO² émises et les quantités d’énergie primaire reste identique, ces objectifs nécessiteraient de parvenir en moyenne sur le parc à une consommation moyenne d’énergie primaire par an et par m² chauffé ou climatisé de moins de 50 kWh, dont environ 35 kWh pour le chauffage ou la climatisation et la production d’eau chaude sanitaire.
Le chapitre bâtiment et écohabitat du Plan climat 2004, qui concerne plus particulièrement les intervenants dans le domaine de la construction, décrit entre autres les mesures transposant la directive européenne du 16 décembre 2002 qui traite de la performance énergétique des bâtiments aussi bien neufs qu’existants.
L’objectif de la réglementation thermique des constructions neuves y est clairement spécifié, à savoir une amélioration de la performance de la construction neuve d’au moins 15% pour atteindre moins 40% en 2020, une limitation du recours à la climatisation et la maîtrise de la demande en électricité.
Diverses mesures législatives et réglementaires s’inscrivent dans le cadre de cet objectif d’amélioration de la performance énergétique des bâtiments :
la loi de simplification du droit du 9 décembre 2004, qui a introduit l’obligation d’un diagnostic de performance énergétique à la construction, à la vente et à la location ;
la loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, qui a introduit l’obligation, dans des conditions qui seront fixées par décret, de fourniture d’une étude technique et économique évaluant les diverses possibilités d’approvisionnement énergétique et notamment les sources par énergie renouvelable. Elle introduit aussi des exigences de caractéristiques thermiques minimales en ce qui concerne les réhabilitations des bâtiments.
2. Les priorités et les principes de la RT2005
La RT2005, à l’instar de la précédente réglementation thermique RT2000, s’applique aux bâtiments neufs des secteurs résidentiel et non-résidentiel. Elle est applicable aux permis de construire déposés à partir du 1er septembre 2006.
Le Plan climat a fixé les objectifs de la RT2005 : une amélioration de la performance de la construction neuve d’au moins 15%, avec une perspective de progrès tous les cinq ans pour atteindre moins 40% en 2020, une limitation du recours à la climatisation et la maîtrise de la demande en électricité.
La RT2005 prend pour principe d’inciter les maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre à prendre en compte toutes les possibilités d’amélioration de la performance énergétique du bâtiment dans un cadre technique précisé par les textes.
Le décret n° 2006-592 du 24 mai 2006 et l’arrêté du 24 mai 2006 définissant les niveaux de performance à atteindre ont été publiés au Journal Officiel le 25 mai 2006. Ces textes sont complétés de l’arrêté approuvant la méthode de calcul, publié en avril 2007 dans le fasicule spécial n°2006-3 du Bulletin Officiel. »
La RT2005 s’inscrit dans la continuité de la RT2000. Elle en reprend la structure réglementaire ainsi que les principes qui permettent au maître d’ouvrage de choisir la solution la plus économique pour atteindre la performance exigée :
le projet constructif est comparé à un projet de référence ; les possibilités de compensation entre les différents postes de déperdition d’énergie (isolation thermique du bâti, équipements de chauffage, de climatisation et de production d’eau chaude sanitaire) sont conservées ; il existe des exigences minimales sur certains matériaux et équipements, que d’aucuns appellent des « garde-fous » ; les méthodes de calcul global de la consommation conventionnelle d’énergie pour le chauffage, le refroidissement, la ventilation (les auxiliaires), la production d’eau chaude sanitaire, l’éclairage conservent une structure identique ; de même pour le calcul de la température intérieure en été.
la possibilité de recours à une solution technique développée par la profession est conservée.
Les exigences sont renforcées :
pour ce qui est de l’isolation thermique, de l’ordre de 10% sur les déperditions par les parois et les baies et de l’ordre de 20% sur les déperditions par les ponts thermiques ;
la référence des chaudières à combustibles fossiles devient la chaudière basse température et celle du chauffage électrique devient le panneau rayonnant ;
une meilleure isolation des réseaux de distribution et un gain énergétique plus important sur les déperditions de ventilation sont demandés ;
une référence particulière a été introduite pour les pompes à chaleur ainsi que pour les équipements de refroidissement.
Par ailleurs, la RT2005 s’attache à permettre le calcul et la valorisation des outils de la construction bioclimatique aussi bien pour diminuer les besoins de chauffage que pour assurer un meilleur confort d’été : le calcul des apports solaires est nettement amélioré.
Par ailleurs,en maison individuelle, les baies au sud et les volets sont placés en référence. En prenant en compte l’inertie réelle du bâtiment on peut mieux valoriser certains matériaux à forte inertie thermique. Pouvoir intégrer les avantages des dispositifs architecturaux tels que des casquettes au sud ainsi que des masques plus lointains donne la possibilité de valoriser les efforts de conception sur l’environnement climatique du bâtiment. En outre, les toitures végétalisées sont désormais prises en compte dans le calcul.
Parallèlement, la RT2005 améliore la prise en compte des énergies renouvelables, notamment en les introduisant en référence. Ainsi, les calculs pour les chaudières bois ont été affinés et la référence calée aux bonnes pratiques du marché. Concernant l’éergie solaire, pour certains bâtiments, une part de production d’eau chaude sanitaire est calculée en référence. Concrètement, une maison individuelle (utilisant aussi bien l’électricité que les combustibles fossiles) devra être équipée de 2 m² de capteurs solaires et un logement collectif utilisant l’électricité devra être équipé de 1 m² de capteurs solaires ; ou à défaut économiser l’énergie équivalente grâce à des systèmes de chauffage plus performants, une meilleure orientation, ou des fenêtres mieux isolées.
Pour ce qui est des consommations de refroidissement, elles sont intégrées dans les méthodes de calcul. La plupart des bâtiments ne disposeront pas de consommations de refroidissement en référence. Ainsi, sauf cas particuliers où la climatisation est absolument indispensable (zones de bruit, établissements sanitaires…), un bâtiment climatisé n’aura pas le droit de consommer plus qu’un bâtiment identique non climatisé. Le bâtiment climatisé devra comporter des équipements et matériaux permettant de diminuer les consommations de chauffage et d’éclairage à due concurrence des consommations de climatisation.
En complément, est introduite, pour les bâtiments d’habitation, une limite de consommation maximale exprimée en énergie primaire (2) pour les consommations conventionnelles de chauffage, de refroidissement et de production d’eau chaude sanitaire.Cette limitation est la même pour l’individuel et le collectif et est déclinée par zones climatiques et par énergies de chauffage.
Ces valeurs seront renforcées dans la future réglementation RT 2010.
Type de chauffage | Zone climatique (*) | Consommation conventionnelle pour le chauffage, le refroidissement et la production d’ECS en kWh primaire /m²/an |
Combustibles fossiles | H1 | 130 |
H2 | 110 | |
H3 | 80 | |
Chauffage électrique (y compris les pompes à chaleur) | H1 | 250 |
H2 | 190 | |
H3 | 130 |
Les zones climatiques sont définies dans l’arrêté (H1 : nord, à H3 : zone méditerranéenne)
Des évolutions des dispositions de l’arrêté pourront être introduites avant 2010, date de la prochaine réglementation, pour tenir compte de l’évolution des marchés et des résultats des études engagées, notamment sur des consommations maximales pour les bâtiments tertiaires.
3. Les solutions techniques d’application de la RT2005
En alternative à la réalisation de calculs pour vérifier la conformité à la RT2005, l’application de solutions techniques agréées par le ministre en charge de la construction permet la vérification de tout ou partie des exigences de la RT2005, dans la limite de leur domaine de validité.
ST 2007-001 : Solution technique relative au respect des exigences de confort d’été de la RT2005.
Le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment a développé une solution technique permettant à son applicateur de vérifier la conformité des bâtiments aux exigences de la RT2005 relatives au confort d’été des bâtiments, conformément aux conditions décrites au titre IV de l’arrêté du 24 mai 2006 relatif aux caractéristiques thermiques des bâtiments nouveaux et des parties nouvelles de bâtiments.Cette solution technique a été agréée, le 30 novembre 2007, par arrêté du ministre en charge de la construction sous le numéro ST 2007-001.
ST 2007-002 : Solution technique relative au respect des exigences de la RT2005 pour les maisons individuelles non climatisées
Le Centre Scientifique et Technique du Bâtiment a développé une solution technique permettant à son applicateur de vérifier la conformité des maisons individuelles non climatisées aux exigences de la RT2005, conformément aux conditions décrites au titre IV de l’arrêté du 24 mai 2006 relatif aux caractéristiques thermiques des bâtiments nouveaux et des parties nouvelles de bâtiments.Cette solution technique a été agréée, le 12 décembre 2007, par arrêté du ministre en charge de la construction sous le numéro ST 2007-002.
4. Le diagnostic de performance énergétique des constructions neuves est prévu par l’article L. 134-2 du CCH
« Lors de la construction d’un bâtiment ou d’une extension de bâtiment, le maître de l’ouvrage fait établir le diagnostic mentionné à l’article L. 134-1. Il le remet au propriétaire du bâtiment au plus tard à la réception de l’immeuble. »Le diagnostic de performance énergétique est obligatoire pour les constructions neuves et les parties nouvelles de bâtiment pour lesquelles la date de dépôt de la demande de permis de construire est postérieure au 30 juin 2007.Le décret n° 2006-1147 du 14 septembre 2006 relatif au diagnostic de performance énergétique et à l’état de l’installation intérieure de gaz dans certains bâtiments ainsi que l’arrêté du 21 septembre 2007 (J.O. du 28 décembre 2007) relatif au diagnostic de performance énergétique pour les bâtiments neufs en France métropolitaine en définissent le contenu.
5. L’obligation d’études de faisabilité pour les bâtiments importants (plus de 1 000 m2)
Depuis le 1er janvier 2008, le maître d’ouvrage doit réaliser, avant le dépôt du permis de construire, une étude de faisabilité technique et économique des diverses solutions d’approvisionnement en énergie de la construction (art L.111-9 du code de la construction et de l’habitation introduit par la loi du 13 juillet 2005). Cette mesure est destinée à favoriser les recours aux énergies renouvelables et aux systèmes les plus performants. Le maître d’ouvrage aura la liberté de choisir la ou les sources d’énergie de la construction, guidé par les conclusions de cette étude qui visent notamment à montrer les bénéfices engendrés en matière de consommations d’énergie, d’émissions de gaz à effet de serre et de frais énergétiques annuels par rapport aux investissements supplémentaires éventuels. L’arrêté du 18 décembre 2007 relatif aux études de faisabilité des approvisionnements en énergie pour les bâtiments neufs et parties nouvelles de bâtiments et pour les rénovations de certains bâtiments existants en France métropolitaine en définit les modalités.
6. L’impact économique de la RT2005
La RT2005 étant basée sur un renforcement de la performance énergétique globale du bâtiment, les concepteurs et les maîtres d’ouvrage ont la possibilité de choisir entre plusieurs composants intervenant dans la performance thermique globale. De plus, le travail sur la conception est mieux pris en compte dans les méthodes de calcul RT2005. Ainsi, un concepteur qui implante les ouvertures principales au sud sera de facto valorisé, ce qui n’était pas le cas dans la RT2000. Ainsi, si le concepteur travaille en amont la conception de son bâtiment, le “surcoût” sera vraiment réduit : il sera en moyenne de l’ordre de 2%, pourcentage qu’il faut comparer aux économies d’énergie qui seront d’au moins 15% par rapport à un bâtiment construit selon la RT2000. Les bâtiments pour lesquels les surcoûts seront vraisemblablement les plus importants, tout en restant inférieurs à 5%, sont les bâtiments pour lesquels il faudra recourir à une nouvelle technologie. Ce sera le cas par exemple pour certaines maisons individuelles qui devront être équipées, dans les départements les plus froids, de planchers rayonnants électriques ou qui devront traiter les ponts thermiques des planchers intermédiaires. Par rapport à des constructions RT2000, les économies sur la facture énergétique sont assez disparates selon l’énergie de chauffage et la localisation.
Pour une maison individuelle de 100 m² :
chauffée à l’électricité : économie de 120 à 210 €, pour des factures, hors usages spécifiques, dans une fourchette de 540 à 1230 €
chauffée au gaz : économie de 40 à 100 €, pour des factures, hors usages spécifiques, dans une fourchette de 370 à 800 €
Pour un logement collectif de 100 m² :
chauffé à l’électricité, économie de 60 à 140 € pour des factures, hors usages spécifiques, dans une fourchette de 630 à 1260 €
chauffé au gaz, économie de 60 à 120 € pour des factures, hors usages spécifiques, dans une fourchette de 410 à 810 €.
Pour les renforcements prévus en 2010, puis 2015, la filière devra préparer des solutions acceptables architecturalement et économiquement dans la perspective d’un renforcement de 40% en 2020, voire plus, renforcement d’ores et déjà inscrit dans la loi de programmation et d’orientation sur la politique énergétique.
7. Dès maintenant il faut préparer les étapes futures
Au-delà de ces éléments, permettant d’améliorer la performance énergétique de la construction courante et de préparer la prochaine étape réglementaire (RT 2010), les professionnels doivent préparer les solutions techniques qui permettront la réalisation de bâtiments à basse consommation. C’est pourquoi le gouvernement a mis en place un grand programme de recherche sur les économies d’énergie dans le bâtiment.Le protocole instituant ce programme de recherche dénommé PREBAT a été signé le 25 avril 2006. Il prévoit de mobiliser des financements à hauteur de 62 millions d’euros sur 3 ans. Les recherches visent notamment à développer des solutions techniques permettant : outre la réalisation de bâtiments neufs consommant moins de 50KWh/m² et la réalisation de bâtiments à énergie positive, la rénovation banalisée de bâtiments avec une performance énergétique aussi proche que possible de celle des bâtiments neufs. D’autres projets de recherche ont été engagés par la Fondation Bâtiment Énergie – cofinancée par le secteur privé (EDF, Gaz de France, Lafarge, Arcelor) et l’État – a lancé un appel à projets sur le thème des solutions de rénovation dans la maison individuelle existante.